Le chantier du palais de justice a été utilisé par les « casseurs » pour se fournir en projectiles.
Le tribunal vient de condamner deux jeunes de 19 et 22 ans qui avaient lancé des pierres et de l’acide lors de la manifestation des Gilets jaunes le 1er décembre.
Les débats ont duré deux fois moins longtemps que les manifestations du 1er décembre à Tours, telles que rapportées dans le « rapport d’ambiance » (document légal) du chef du maintien de l’ordre : cinq heures d’émeutes, dix-sept policiers blessés, nombreuses dégradations…
Présentés ce mercredi 5 décembre en audience de comparution immédiate, Allan et Alain, respectivement 19 et 22 ans, ont eu le temps de se repasser le film. Interpellés samedi, à 17 h 15, pour l’un, et deux heures plus tard, pour le second, ils n’expliquent toujours pourquoi ils ont commis les faits qui leur sont reprochés. Quelque chose entre l’envie d’assister à une première manifestation, voire d’y prendre part ou carrément de céder à l’effet de groupe et de se livrer à des exactions.
Si l’instruction menée par la présidente Christine Blancher place bien les prévenus là où les policiers ont dit les avoir vus, il transparaît, même si Alain avait clairement l’intention de « faire quelque chose » d’une manière ou d’une autre – n’avait-il pas deux bouteilles vides, de l’aluminium et de l’acide dans son sac ? – la volonté de blesser quelqu’un n’est pas démontrée. Même s’il concède lui-même, rétrospectivement : « J’aurais pu blesser mon frère » (lequel est membre de la police nationale à Tours).
Partis à plusieurs de Savigné, ils ont parcouru la manif de long en large, allant là où ça « chauffait ». Et, quand ils ont entendu l’un de leur pote dire que son petit frère avait « la tête en sang », ils ont quitté le Burger King remontés à bloc. D’autant qu’Alain aurait aussi reçu « un rebond de flashball ».
A un moment, ils se sont retrouvés rue George-Sand, en direction de l’angle de la rue Marceau et du boulevard Béranger, à apostropher des policiers allant prêter main-forte à un collègue en difficulté près du palais de justice.
Tout de blanc vêtu, Allan n’était pas difficile à repérer, pas plus qu’Alain avec son blouson marron. De manière formelle, ce dernier a d’ailleurs été vu par plusieurs membres de la Bac (brigade anticriminalité) en train de jeter une bouteille contenant de l’acide. Ce qu’il a reconnu à l’audience, même si, selon lui, celle qu’il a jetée n’est pas celle qui a effectivement explosé.
« Venus à la manif par curiosité » Ce même groupe de cinq individus a été revu à plusieurs reprises faisant des allers-retours boulevard Béranger, profitant du chantier en cours au palais de justice pour se ravitailler en projectiles (cailloux, pierres ou pavés).
Au bout d’une heure de jets quasi ininterrompus, des fonctionnaires de la Bac et du Groupe d’intervention voie publique (GIVP) sont parvenus à interpeller « l’homme en blanc », vers 17 h 15, face à la poste.
Il reconnaît, de manière constante, avoir lancé une dizaine de cailloux/pavés en direction des forces de l’ordre.
Ce n’est que vers 19 h 20 lorsque quatre personnes interpellées – deux majeurs et deux mineurs – sont conduites au commissariat que le rapprochement est fait avec le porteur du blouson marron et celui, déjà en garde à vue, en blanc.
Passées les pudeurs initiales – la récidive est visée pour les deux prévenus – Allan et Alain admettent finalement leur participation. Ils présenteront leurs excuses aux deux policiers présents qui se constituent partie civile : « On était venus à la manif par curiosité. » L’ambiance, l’effet de groupe aidant, ils se sont saisis de cailloux pour repousser les forces de l’ordre.
– « Vous n’êtes pas plutôt venus pour casser du policier ?, demande alors la présidente Christine Blancher. Eux, l’ont vécu comme ça ! »
A la barre, l’officier de permanence ce week-end-là rappelle le contexte d’extrême tension, le policier coincé par les manifestants qu’il fallait secourir, la bouteille qui a roulé au pied des hommes de la Bac avant d’exploser, après qu’il a crié « acide »… L’un de ses collègues, partie civile également, raconte les jets de pavés.
Le procureur Pierre Gérard – même si chacun des prévenus possède un casier lesté de plusieurs condamnations les montrant réfractaires à l’autorité – a « la conviction qu’on est encore dans le cadre de jeunes qui vont utiliser de l’acide pour faire du bruit et de la fumée […] Je suis persuadé qu’il n’y avait pas de débris de verre dans [ces] projectiles. »
Il n’en demeure pas moins que, si « le choix que vous (NDLR : Alain) avez fait de reconnaître l’utilisation de ces bouteilles et de l’acide est le bon », le fait qu’à aucun moment l’un ou l’autre n’a été capable de s’arrêter interroge.
« Vous avez reconnu les faits, vous exprimez des regrets, je les crois sincères », indique-t-il, avant de requérir six mois (pour Allan) et huit mois (pour Alain) d’emprisonnement, avec maintien en détention.
Une analyse partagée dans sa globalité par Me Germain Yamba en défense d’Allan qui n’a rien à opposer à la détention de son client, sauf « l’urgence de prendre contact avec l’Arca » (Association de recherche en criminologie appliquée) soulignée par le juge d’application des peines lui-même.
Aux intérêts d’Alain, Me Mathilde Fleuriot-Reveillard, confirme que son client était venu « pour faire du bruit, comme un adolescent » malgré ses 22 ans, mais du fait de vrais problèmes neurologiques, elle exhorte le tribunal à « ne pas le sortir de la société ».
Après délibéré, celui-ci a suivi les réquisitions du parquet, révoquant en outre cinq mois de sursis antérieur pour Allan et trois mois pour Alain, ce qui porte le maintien en détention de chacun à onze mois.